C'est l'abondance de l’énergie qui a mené à l'exploitation. pour que les rapports sociaux soient placés sous le signe de l'équité, il faut qu'une société limite d'elle-même la consommation d'énergie de ses plus puissants citoyens.
Plus l'énergie abonde, plus le contrôle de cette énergie est mal réparti. Il ne s'agit pas ici d'une limitation de la capacité technique à mieux répartir ce contrôle de l'énergie, mais de limites inscrites dans les dimensions du corps humain, des rythmes sociaux et de son espace vital.
À mon avis, dès que le rapport entre force mécanique et énergie mmétabolique dépasse un seuil fixe déterminable, le règne de la technocratie s'instaure
Un peuple peut être suralimenté par la surpuissance de ses outils tout aussi bien que par la survaleur calorique de sa nourriture, mais il s'avouera plus difficilement la sursaturation énergétique que la nécessité de changer de régime alimentaire.
Enfin chaque société doit fixe le degré d'injustice, de destruction et d'endoctrinement que ses membres sont prêts à accepter pour le plaisir d'idolâtrer les machines puissantes et de se plier docilement aux injonction des experts.
Au XIXe siècle en Occident, dès qu'un moyen de transport public a pu franchir plus de 25 kilomètres à l'heure, il a fait augmenter les prix, le manque d'espace et de temps.
Dans tous les pays occidentaux, durant les clinquantes années qui ont suivi la construction du premier chemin de fer, la distance moyenne parcourue annuellement pas un passager (quel que soit le mode de transport utilisé) a presque été multiplié par cent. Quand ils produisent plus d'une certaine proportion d'énergie, les transformateurs mécaniques de carburants minéraux interdisent aux hommes d'utiliser leur énergie métabolique et les transforment en consommateurs esclave des moyens de transport.
Une vitesse élevée est le facteur critique qui fait des transports un instrument d'exploitation sociale. Un véritable choix entre les systèmes politiques et l'établissement de rapports sociaux fondés sur une égale participation n'est possible que là où la vitesse est limitée. Instaurer une démocratie de participation, c'est retenir une technique économe en matière d'énergie
Dès que les machines ont consacré à chaque voyageur plus qu'une certaine puissance en chevaux-vapeur, cette industrie a diminué l'égalité entre les gens, restreint leur mobilité en leur imposant un réseau d'itinéraires obligés produits industriellement, engendré un manque de temps sans précédent. Dès que la vitesse de leur voiture dépasse un certain seuil, les gens deviennent prisonniers de la rotation quotidienne entre leur logement et leur travail
Chacun augmente son rayon quotidien en perdant la capacité d'aller son propre chemin. On constitue d'extrêmes privilèges au prix d'un asservissement général. En une vie de luxueux voyages, une élite franchit des distances illimitées, tandis que la majorité perd son temps en trajets imposés pour contourner parkings et aérodromes.
Aux États-Unis, les quatre cinquièmes du temps passé sur les routes concernent les gens qui circulent entre leur maisons, leur lieu de travail et le supermarché. Et les quatre cinquièmes des distances parcourues en avion chaque année pour des congrès ou des voyages de vacance le sont par 1,5% de la population.
Le rêve hasardeux de passer quelques heures attaché sur un siège propulsé à grande vitesse rend même l'ouvrier complice consentant de la déformation imposée à l'espace humain et le conduit à se résigner à l'aménagement du pays non pour les hommes mais pour les voitures.
Parfois l'usager réclame une révolution qui organise des transports publics rapide en nationalisant les transports. Jamais il ne calcule le prix qu'il lui en coûtera pour être ainsi véhiculé dans un avenir meilleur. Il oublie que de toute accélération supplémentaire, il payer lui-même la facture, sous forme d'impôts directs ou de taxes multiples. Il ne mesure pas le coût indirect du remplacement des voitures privées par des transports publics aussi rapide. L'usager ne voit pas l'absurdité d'une mobilité fondée sur les transports. Sa percéption de l'espace, du temps, et de son rythme a été déformée par l'industrie.
Il a perdu confiance dans le pouvoir politique qui lui vient de la capacité de pouvoir marcher et parler. Il croit que l'activité politique consiste à réclamer une plus large consommation de ces services qui l'assimilent à une simple marchandise.
Une vitesse élevée capitalise le temps de quelques-uns à d'énorme taux, mais paradoxalement cela coûte un énorme prix à ceux dont le temps est jugé beaucoup moins précieux.
L'utilité marginale d'un accroissement de la vitesse de quelques-uns est acquise au prix de la désutilité marginale croissante de cette accélération pour la majorité
Au-delà d'une certaine vitesse, chaque passager se transforme en voleur qui dérobe le temps d'autrui et dépouille la masse de la société. L'accélération de sa voiture lui assure le transfert net d'une part du temps vital. L'importance de ce transfert se mesure en quanta de vitesse. Il défavorise ceux qui ne restent en arrière et parce que ces derniers composent la majorité.
Au-delà d'une vitesse critique, les véhicules à moteur engrendrent des distances aliénantes qu'eux seuls peuvent surmonter
La classification sociale par degré de vitesse impose un transfert net de puissance : les pauvres travaillent et payent pour rester à la traîne.
Certaines dépenses sautent aux yeux actuellement, par exemple la destruction de l'environnement ou l'exploitation, avec l'aide des militaires, de matières premières disponibles en quantités limités. Peut-être voilent-elles un prix de l'accélération encore plus lourd. Que chacun puisse se déplacer à grande vitesse, cela signifie qu'il lui restera une part de temps moindre et que toute la société dépensera une plus grande part du temps disponible à transporter des gens
Ce seuil franchi (25 km/h) par l'industrie, le transport fait de l'homme un errant d'un nouveau genre : un éternel absent toujours éloigné de son lieu de destination, incapable de l'atteindre par ses propres moyens et pourtant obligé de s'y rendre chaque jour.
Il a fallu rendre l'école obligatoire pour une période limitée (et lui adjoindre la liberté, illimitée, de lever des impôts) pour que l'éducateur ait le pouvoir d'interdire aux sous-consommateurs de thérapie éducative d'apprendre un métier sur le tas. Une fois établie la scolarisation obligatoire, on a pu imposer à la société tout une organisation sans cesse plus complexe à laquelle ne peuvent s'adapter les non-scolarisés et non-programmés.
Avec une vitesse maximale limitée, on pourra réduire ces inégalités à l'aide d'un ensemble d'impôts et de moyens techniques. Avec des vitesses de pointe illimitées, ni l'appropriation publique des moyens de transport ni l'amélioration technique du contrôle n'aboliront l'exploitation et l'inégalité croissante.
Un pays est surindustrialisé lorsque sa vie sociale est dominée par l'industrie du transport qui détermine les privilèges de classe, accentue la pénurie de temps, enchaîne les gens à des réseaux et à des horaires.
Pour les hommes d'aujourd'hui, le sous-équipement est ressenti comme une impuissance face à la nature et à la société. La surindustrialisation leur enlève la force de choisir réellement d'autres modes de production et de politique, elle dicte aux rapports sociaux leurs caractéristiques techniques. Au contraire, le monde de la maturité technique respecte la multiplicité des choix politiques et des cultures. Évidemment, cette diversité décroît dès que la société industrielle choisit la croissance aux dépens de la production autonome.